Pour résoudre le problème de la crise de la représentativité, de nombreux forums font la part belle au tirage au sort, sensé apporté un plus démocratique. ( Forum d’Etienne Chouard par exemple). En effet, je veux bien moi aussi, admettre que le tirage au sort ait des vertus, mais de fait, tous les types de scrutin ont des avantages et des inconvénients.
J'ai donc essayé de lister les quelques inconvénients du tirage au sort qui me paraissent importants.
D’abord, il ne se suffit pas à lui même.
- a) imaginons une assemblée d’élus "tirés au sort". . Que se passe t’il pendant la durée du mandat de ces élus ? Les autres citoyens n’ont plus rien à dire, puisque bien évidemment il ne peut y avoir remise en cause des "tirés au sort", sauf malversation bien sûr, (un nouveau tirage au sort ne créerait pas une situation nouvelle) ceux ci étant sensés être capables au sein de l’assemblée de trouver ce qui correspond à l’inconscient du peuple. Donc, pour que les citoyens ne soient pas absents du débat public, il faudrait imaginer que chaque décision de l’assemblée « des tirés au sort » soit immédiatement soumise au peuple pour validation et / ou confirmation. C'est un peu lourd.
- b) bien évidemment il n’y a pas non plus possibilité de mandats impératifs. (je suis contre le mandat impératif mais comme certains s’en prévalent je mentionne cette impossibilité). Par principe, le "tiré au sort" participe en son âme et conscience.
Ensuite la légitimité des tirés au sort n’est assise sur rien .
- a) légitimité vis à vis des citoyens.
Bien évidemment , il faudra être volontaire pour être désigné par tirage au sort. Mais les citoyens qui ne désirent pas être volontaires , que deviennent’ ils ? Ils n’ont plus rien à faire dans cette démocratie clérocratique. Et puis, le citoyen est pour rien dans la désignation du "tiré au sort". Dès le tirage au sort passé, les volontaires- perdants du tirage se désintéresseront eux aussi de la question. Il y aura rupture du lien de considération entre le représentant et les représentés.
- b) légitimité vis a vis de l’administration.
Elle sera nulle ou très réduite, car c’est l’administration ou la technostructure qui assure la permanence de l’institution. Il est clair que les technocrates auront vite fait de prendre le pas et de s’imposer a l’assemblée des "tirés au sort". On peut même se poser la question de la considération ou de l’intérêt des "tirés au sort" pour l’institution elle même, ou ils siégeront. Ils seront là par la grâce divine de la loterie. Nous aurions très vite un régime bureaucratique. Ce sera le règne des technocrates.
Enfin se pose la question des présélections des "tirés au sort".
- a) soit chaque électeur volontaire est affublé d’un numéro de 1 a 25 millions de "volontaires" , (il y a environ 42 millions d’électeurs en France). A mon avis tous les demandeurs d'emploi seront volontaires. Puis, le tirage au sort est organisé sur le modèle du loto . Encore faut-il tenir compte des territoires, etc etc. .. Et là, c’est le hasard complet, sauf pour la parité. Ca ne tient pas debout. D'ailleurs tout le monde prévoit des filtres ou des présélections. Ce qui signifie que le tirage au sort n'est pas bon dans l'absolu.
- b) dans un type de projet, un groupe de 10 amis désigne un pré-représentant. Avec ces pré- reprentants, on constitue des nouveaux groupes de 10 qui désignent eux même des représentants ( choisis selon les affinités ou les capacités).. etc etc . Ensuite on tire au sort parmi ce nombre réduit de représentants Mais dès le premier stade, il peut y avoir pression, corruption, d’autant que plusieurs groupes de 10 peuvent choisir le même pré-représentant, (si j'ai bien compris), qui sera sélectionné pour le tirage au sort.
- c) dans le projet du "cercle clérocratique". C’est 1 représentant choisi par 3 000 électeurs (ce qui est appelé le cercle de base) lors d’une élection. Puis il y a un autre niveau. Ensuite il y a tirage au sort. Mais à chaque fois il est institué des filtres . Il faudrait vérifier sur quels éléments sont basés ces filtres.( j’ai cru comprendre qu’il y avait la compétence et le niveau du postulant hum ??). Quoiqu’il en soit. Il y a d’abord élection pour réduire la base du tirage au sort. Donc si on admet l’intérêt du fait électoral pour la pré sélection, c’est donc qu’on lui trouve aussi des vertus. Et ainsi, on peut s’interroger sur ce besoin qu’ont les tenants du tirage au sort de critiquer à toutes forces, la démocratie représentative ? .
Ainsi cela confirme le point de départ. Tous les types de scrutin ont leurs intérêts et leurs inconvénients. Ce que je crois que personne ne conteste.
Mais la question qui importe c’est de savoir s’il est possible d’intégrer le tirage au sort dans notre panoplie démocratique actuelle et que ce soit "un plus" démocratique.
il est clair, en raison des arguments vus plus haut, que le rôle qui serait dévolu à de telles assemblées de "tirés au sort" ne serait qu'une fonction de contre pouvoir. ( contrôle et suivi des institutions, validation, suggestions, propositions, avis etc etc). Ce serait des "jury citoyens" mais autonomes et indépendants, et non pas créés et supervisés par les tenants des pouvoirs en place, comme dans la démocratie participative qui a fait florès lors des présidentielles.
A deux niveaux on pourrait proposer une telle introduction du tirage au sort
Au niveau national
cela semble assez simple pour le Sénat puisque il est déjà élu de façon indirecte , le corps électoral est bien défini et pas très nombreux.
- le Sénat serait donc une chambre clérocratique. les sénateurs seraient tirés au sort parmi les conseillers municipaux sans autre mandat, (conseillers municipaux de base) en respectant la parité homme/femme, et une représentation territoriale équilibrée. (exemple 2o sénateurs dans chaque région) ce qui fait entre 400 et 440 sénateurs.). Si c ‘est trop, on peut choisir 10 par région, et un sénat de 200 à 220 membres). Bien évidemment le comité économique et social national est supprimé puisqu’on peut considérer que ces conseillers de base sont représentatifs de la société civile.
Au niveau régional.
Les Conseils Economiques et Sociaux Régionaux actuels seraient remplacés par des chambres de "tirés au sort" parmi les conseillers municipaux de base de chaque région. Ainsi, ce serait une nouvelle étape de la décentralisation qui donnerait à l’institution régionale une seconde chambre dont le rôle serait de contrôler et de faire des propositions a l’assemblée régionale élue.
Fonctions de ces nouvelles assemblées clérocratiques.
La première fonction est bien évidemment une fonction de contrôle et de suivi des institutions à chaque niveau . ( il serait d’ailleurs souhaitable que la Cour des Comptes nationale soit associée à ce nouveau Sénat avec des pouvoirs de contraintes et de suivi des rapports, comme les cours des comptes régionales le seraient pour les nouvelles secondes assemblées régionales)
Pour les fonctions d’avis, de suggestions, de propositions, d’études, ces nouvelles chambres clérocratiques pourraient remplir les compétences des défunts Comités Economiques et sociaux.
Et ainsi, le tirage au sort serait un nouvel outil démocratique intégré sans trop de bouleversements dans notre constitution. Qu'en pensez-vous ?